Gaspard, Le
Petit Cheval de Bois
Gaspard, le petit
cheval de bois est blottit entre un vieux coffre et un cadre doré.
On l'a oublié tout au fond du grenier depuis plusieurs années
déjà. Gaspard aime bien le grenier avec son odeur particulière et
ses occupants un peu défraîchis, mais si sympathiques. Ils ont
tous leur histoire, leur passé. Au fil des jours, ils s'en
racontent des petits morceaux. Ils se parlent avec douceur et bonne
humeur; quelques fois un brin de nostalgie s'ajoute au récit.
Un après-midi,
Gaspard discute avec grand-mère qui habite le cadre. Tout à coup,
il entend des pas dans l'escalier. La porte grince, s'ouvre et un
homme entre. Il est petit, ses cheveux sont gris et il porte la
moustache.
La première chose
qu'il fait c'est d'ouvrir la fenêtre faisant ainsi pénétrer la
lumière dans tous les coins du grenier. Chacun cligne des yeux et
se sent mal à l'aise. Les habitants du grenier sont tellement
habitués à l'obscurité qu'ils ne peuvent plus supporter la
lumière.
Après avoir
ouvert la fenêtre, l'homme se met à fureter. Il regarde ici, puis
là, inspectant partout autour de lui. Il prend même une loupe pour
mieux examiner. Puis il s'empare d'un vieux livre dont les pages
s'effritent et il continue son inventaire. Le petit cheval se
demande ce que veut cet homme et ce qu'il vient faire en territoire
oublié.
Les amis du
grenier ont un peu peur. Ils se serrent très fort les uns contre
les autres. Ils ne sont pas très habitués à recevoir des
visiteurs et encore moins des étrangers. Qui a bien pu donner à
cet homme la permission de monter, et surtout pour quelle raison?
L'homme s'appelle
Monsieur Patrimoine et il est conservateur du musée de la ville. Il
est chargé de trouver des objets pour meubler le musée. Le musée,
c'est cette grande maison qui renferme des tas de trésors et que
l'on peut visiter. On y trouve de curieuses choses, des jouets
mécaniques, des bicyclettes très grandes et d'autres très
petites, et même un piano qui joue tout seul. Lorsque Monsieur
Patrimoine aperçoit le petit cheval, il s'arrête droit devant lui
et lui fait un grand sourire. Il est content de sa découverte.
Gaspard est un jouet rare et très précieux. Il n'en existe presque
plus comme lui.
Monsieur
Patrimoine veut acheter le petit cheval. Il redescend donc voir
Madame Letendre qui lui a ouvert la porte de son grenier. Gaspard
lui appartient. Lorsqu'elle était petite, Gaspard était son jouet
préféré. Madame Letendre aime beaucoup les musées. Elle discute
un moment avec Monsieur Patrimoine, et tout d'un coup, pour le
plaisir de donner, elle décide d'offrir son petit cheval au musée.
Ses joues sont rose de plaisir à la pensée que toute la ville va
pouvoir admirer son Gaspard. - Merci, madame. Au nom du musée, je
vous remercie cent fois, mille fois..., bredouille Monsieur
Patrimoine enchanté.
Le conservateur
prend Gaspard délicatement et l'enveloppe dans une couverture. Il
le met sous son bras et l'emporte avec lui. Gaspard traverse la
maison, puis il arrive dans la rue. Peu à peu les yeux du petit
cheval s'habituent à la lumière. Il peut voir les vitrines des
magasins, les gens qui marchent et des boîtes bizarres qui avancent
très vite. C'est la première fois qu'il voit des automobiles.
Gaspard commence
à aimer sa promenade. Il entre dans un grand édifice. C'est ici le
musée. Monsieur Patrimoine le remet à Maryse, en donnant mille recommandations
à son sujet. Avant que Gaspard ne se rende compte de ce qu'il lui
arrive, il est lavé, ciré, astiqué. On brosse les poils de sa
queue, ont rabote ses arceaux pour qu'ils bercent sans faire de
bruit. Mais, même rabotés, les arceaux continuent leur petite
musique.
Puis Maryse place
le petit cheval parmi d'autres jouets de son temps, près d'un
soldat de bois et d'une poupée de porcelaine qui semble dormir. Il
y a aussi un vieux landau, un traîneau et une paire de raquettes
qui n'ont pas vu de neige depuis fort longtemps. Gaspard est bien
malheureux; il n'arrive pas à aimer son nouvel univers. Il pense à
son grenier et à ses amis qui sont là-bas.
Et puis, il y a
tous ces gens qui passent et qui repassent en riant et en
s'exclamant. Gaspard se sent très intimidé par les visiteurs. La
poupée a pourtant essayé de le consoler, mais Gaspard soupire : il
s'ennuie. Un dimanche, alors qu'il s'y attend le moins du monde, un
petit garçon passe sous la corde et lui saute dessus. Le petit
cheval éprouve alors une très grande joie, une joie qui vient de
loin et qu'il a déjà connue. Celle de bercer les enfants, de les
faire rire, de les mener vers l'aventure.
Mais cela ne dure
pas, le petit garçon est rappelé par son père. Il lui explique
qu'il faut respecter les objets du musée, parce qu'ils sont vieux
et fragiles. Le petit garçon fait un signe de la main à Gaspard et
s'éloigne. Gaspard le regarde s'en aller avec regret, tout en
continuant son balancement. Mais la joie l'emporte sur la tristesse,
puisqu'il a redécouvert une façon d'être heureux.
A partir de ce
jour, quelque chose de merveilleux se produit dans la salle B du
musée. Lorsque tous les visiteurs sont partis, le petit cheval
berce tour à tour la poupée de porcelaine, le soldat de bois et
l'ourson. Gaspard est à nouveau entouré d'amis. Toutes les nuits,
ils font la fête; aux premières lueurs du jour les amis se
taisent, les arceaux s'arrêtent. Chacun se repose, attendant avec
impatience le retour de la nuit!
© Texte par
Chantal Couture
|